Article rédigé par Anne-Sophie CANTREL, Avocat Fondateur du Cabinet VOXAME, Médiateur agréé CNMA
L’Ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations est entrée en vigueur le 1er octobre 2016. La Loi de ratification aurait pu donner lieu à de nombreuses discussions. Toutefois, la sécurité juridique recherchée par cette réforme, qui ne peut être atteinte sans stabilité législative, a conduit à limiter les échanges aux articles les plus controversés.
C’est ainsi que le 9 octobre 2017, le Sénat ouvrait le débat parlementaire en ne déposant que 14 amendements ; une initiative responsable saluée par Nicole BELLOUBET, garde des sceaux. Les débats se sont achevés à l’Assemblée Nationale en seconde lecture, le 15 février 2018 avec des consensus certains, hormis quelques points, dont celui du pouvoir de révision du juge à la demande d’une seule des parties en cas de changement de circonstances imprévisibles, objet de la saisine de la Commission Mixte Paritaire. Une dernière séance publique a eu lieu le 11 avril 2018.
Si la commune volonté des parties prenantes était et est de garantir la sécurité juridique, il n’en demeure pas moins que, dans les faits, les cocontractants devront manier avec habilité l’application dans le temps des diverses dispositions introduites dans le Code civil par l’Ordonnance puis modifiées par la Loi de ratification.
I. Le juge : « la nouvelle partie » au contrat garant de l’équilibre contractuel
Certaines relations contractuelles sont considérées par nature comme étant déséquilibrées au motif que l’un des contractants serait identifié comme étant « faible » par rapport à l’autre vu comme « puissant », en connaissances ou économiquement. Telles pourraient être qualifiées les relations existant entre un consommateur et un professionnel ou encore entre un fournisseur et un distributeur. C’est la raison pour laquelle des droits spécifiques ont été reconnus par le Code de la consommation aux premiers et par le Code du commerce aux seconds, partant du postulat que la partie « faible » avait besoin de protection.
Le législateur a voulu introduire cet équilibre dans tous les rapports contractuels quel que soit l’identité des cocontractants de telle sorte que des dispositions protectrices ont fait leur grande entrée dans le code civil applicable à tous les opérateurs avec un pouvoir de contrôle plus important du juge.
C’est ainsi que l’obligation précontractuelle d’information, certes déjà imposée par les Tribunaux dans tous les rapports contractuels, a été renforcée et expressément mentionnée à l’article 1112-1 du Code civil.
On pourrait également citer l’article 1171 du même code qui prévoit expressément que les contrats d’adhésion, à la définition amplement débattue, ne pourront plus comporter de clauses « créant un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties ».
La violence, source de nullité et dont le qualificatif d’ « économique » a été rejeté, est étendue dès lors qu’elle est aussi reconnue à une partie qui, « abusant de l’état de dépendance dans lequel se trouve son cocontractant, obtient de lui un engagement qu’il n’aurait pas souscrit en l’absence d’une telle contrainte et en tire un avantage manifestement excessif ».
Le très controversé article 1195 du code civil ne saurait être passé sous silence tellement il est représentatif de cette recherche d’équilibre dont le juge sera le garant suprême, en lui permettant de devenir, si besoin, une « Partie » au contrat, doté d’un pouvoir de révision en cas de « changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat (qui) rend l’exécution excessivement onéreuse pour une partie qui n’avait pas accepté d’en assumer le risque (…) ».
Un juge qui, au nom de l’équilibre et de la morale, peut intervenir dans le contrat sans qu’aucune des parties ne puisse déroger à son pouvoir d’appréciation. Une morale dictée par la « Bonne foi », notion devenue d’ordre public, qui doit animer les cocontractants lors de la négociation, de la conclusion, ou encore lors de l’exécution du contrat et qui sera donc contrôlée par le juge, même d’office. Une notion bien subjective appréciée par des magistrats, lesquels aussi compétents soient-ils, n’en demeurent pas moins humains avec leur histoire, leur croyance, leur filtre, leur sensibilité…
L’appréciation de ces nouvelles dispositions du Code civil consistant à assurer l’équilibre et la moralité dans les rapports contractuels risque de prendre de multiples visages difficilement conciliables avec la sécurité juridique recherchée par toutes les parties à un contrat. A titre de précédent et à la poursuite des mêmes objectifs, il peut être évoqué l’application de l’article L.442-6 5° du Code de commerce, disposition d’ordre public, qui impose aux cocontractants de respecter un préavis suffisant avant de rompre des relations commerciales établies et dont l’interprétation a été pour le moins plurielle. L’incertitude judiciaire en résultant a conduit les parties contractantes à s’orienter vers la voie des négociations.
Ainsi, on peut légitimement se demander si les évolutions législatives conduisant à favoriser l’immixtion du juge dans le contrat ne constituent pas les meilleurs vecteurs de développement des modes alternatifs de règlement des différends dont fait partie la médiation.
II. La médiation : un moyen offert aux parties de conserver leur pouvoir contractuel
La médiation a été définie à l’article 1530 du Code de procédure civile comme un « processus structuré, par lequel deux ou plusieurs parties tentent de parvenir à un accord, en dehors de toute procédure judiciaire en vue de la résolution amiable de leurs différends, avec l’aide d’un tiers choisi par elles qui accomplit sa mission avec impartialité, compétence et diligence ».
La médiation est strictement confidentielle.
La médiation, c’est avant tout un processus de liberté : liberté de choix du médiateur, liberté d’entrer en médiation, de poursuivre le déroulé du processus, de proposer des solutions et de les accepter ou de les refuser.
En effet, la première volonté des parties est d’avoir réellement envie de trouver une solution amiable à leur différend. Plus qu’une simple solution, c’est la volonté de trouver leur propre solution qui peut être innovante, créative, créatrice de valeurs, en adéquation totale avec les préoccupations des parties eu égard à leurs activités et parfaitement légale.
La seconde volonté est d’être accompagnée par un tiers qu’elles auront librement choisi et en qui elles auront confiance. Leur libre choix les garantit que ce tiers sera neutre, indépendant et impartial en ce qu’il n’aura aucun lien, aucun intérêt direct ou indirect avec l’une d’entre elles. Ce tiers médiateur prend l’engagement de ne pas prendre position pour l’une ou pour l’autre. Garant du cadre de la médiation, il devra être doté de compétences acquises par une formation spécifique, outre celles sur la matière considérée qui peuvent être appréciées pour bien comprendre les enjeux des parties.
Ceux qui ne connaissent pas la médiation pourraient être amenés à la réduire au dicton « mieux vaut un bon arrangement qu’un mauvais procès ». Or, la médiation est loin d’être une solution au rabais, bien au contraire. C’est un processus qui permet à chaque partie, accompagnée par un médiateur, de prendre des décisions en conscience sur le devenir souhaité de la relation contractuelle plutôt que de se le voir imposer par un juge dont la mission est de trancher un différend.
En effet, là où la loi donne désormais au juge la qualité de « partie potentielle» au contrat remettant ainsi en cause la force obligatoire de celui-ci, les cocontractants peuvent préférer la restaurer en restant maître de leur contrat, de son contenu et de la gestion de leur différend en rééquilibrant eux même leur relation qui a pu ne pas, ou plus l’être, à un moment.
Le médiateur les accompagnera à dépasser leurs crispations voire leur situation de blocage afin qu’elles puissent co-construire soit les conditions de rééquilibrage de leur contrat, soit les conditions de leur séparation.
La perspective de l’intervention du juge doté de son pouvoir de contrôle, pourrait finalement suffire à inciter les parties à se responsabiliser et à trouver l’équilibre contractuel recherché par le législateur par le truchement de cette réforme.
Proposer la mise en place d’une mesure de médiation ou insérer une clause de médiation est la meilleure sécurité juridique que les parties peuvent offrir à leurs contrats.
Anne-Sophie CANTREL, Avocat Fondateur du Cabinet VOXAME, Médiateur agréé CNMA
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