L'admissibilité de la preuve déloyale dans les procès civils

02 February 2024 Pamela FEUMBA
Preuve déloyale

 

Lors de son assemblée plénière du 22 décembre, la Cour de cassation a marqué un tournant majeur en abandonnant la jurisprudence de 2011 qui déclarait systématiquement irrecevable une preuve obtenue de manière déloyale. Cette décision élargit le champ des preuves admissibles dans les débats judiciaires, alignant la jurisprudence sur la position déjà établie pour les preuves illicites. Désormais, une preuve déloyale peut être considérée si son utilisation est jugée indispensable et proportionnée au but poursuivi, une évolution influencée par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH).

 

Contexte et évolution jurisprudentielle

 

En 2011, la Cour de cassation avait érigé le principe strict de loyauté de la preuve, excluant toute preuve déloyale des débats judiciaires. Cependant, depuis 2020, sous l'influence de la CEDH, la Cour avait reconnu le droit à la preuve pour les éléments illicites, sous certaines conditions. Cette dualité entre preuve illicite et preuve déloyale créait une incertitude et a conduit à la réévaluation de cette jurisprudence.

 

Du rejet systématique à la mise en balance

 

La Cour de cassation, réunie en assemblée plénière, a décidé d'unifier les deux régimes en appliquant à la preuve déloyale la méthode de la mise en balance. Le juge civil peut désormais considérer une preuve déloyale, tout en évaluant si son utilisation respecte l'équité de la procédure. Cette décision vise à éviter de priver une partie des moyens de faire la preuve de ses droits, tout en empêchant le contournement du régime plus restrictif des preuves en matière civile par le biais de la voie pénale.

 

Affaire de licenciement fondée sur des enregistrements clandestins

 

L'affaire examinée portait sur la recevabilité d'une preuve issue d'un enregistrement audio obtenu à l'insu du salarié. Alors que la Cour d'appel d'Orléans avait écarté ces preuves conformément à la jurisprudence de 2011, l'employeur avait fait appel, invoquant le droit à la preuve. Suite au revirement de jurisprudence, la Cour de cassation a censuré la décision précédente, soulignant la nécessité d'un contrôle de proportionnalité pour l'admissibilité de la preuve déloyale.

 

 

Maintien de la protection des conversations privées

 

Une autre affaire examinée concernait un salarié intérimaire ayant intercepté involontairement une conversation privée sur Facebook. L'assemblée plénière a clarifié que les questions liées à la vie privée relèvent du droit à la vie privée plutôt que du droit à la preuve. Cette décision confirme que le licenciement ne peut reposer sur une conversation privée tant qu'elle ne constitue pas un manquement aux obligations professionnelles du salarié.

 

Un équilibre entre droit à la preuve et équité procédurale

 

Cette décision de la Cour de cassation marque une évolution significative dans la manière dont les preuves déloyales sont traitées dans les procès civils. En recherchant un équilibre entre le droit à la preuve et les droits antinomiques en présence, la Cour s'efforce de garantir une justice équitable tout en évitant les abus. Cette unification des régimes témoigne de la volonté d'adapter la jurisprudence aux réalités contemporaines et aux préoccupations en matière de protection des droits fondamentaux.

 

L'importance cruciale de la veille juridique face à l'évolution jurisprudentielle

 

La récente décision de la Cour de cassation, marquant un changement majeur dans l'admissibilité des preuves déloyales, souligne l'impératif pour les acteurs juridiques de maintenir une veille juridique proactive. Dans un paysage judiciaire en constante évolution, la connaissance précise et rapide des modifications législatives et jurisprudentielles devient essentielle pour anticiper les impacts sur les stratégies juridiques. Avec cette nouvelle orientation, où la preuve déloyale peut être admise sous certaines conditions, les professionnels du droit doivent ajuster leurs pratiques et considérer cette évolution dans l'élaboration de leurs arguments. La veille juridique devient ainsi un outil stratégique, permettant de rester informé des derniers développements et d'adapter les approches pour garantir une représentation efficace et éclairée de leurs clients. La formation veille juridique devient ainsi un levier essentiel pour rester à jour, renforcer ses compétences et naviguer avec succès dans un environnement juridique en constante mutation. En investissant dans une veille juridique proactive, les praticiens du droit peuvent mieux comprendre les tendances émergentes, anticiper les défis et maximiser les opportunités dans un contexte juridique en constante mutation.